Ce chat que j’ai recueilli est un
matou, aujourd’hui castré. Si ce n’est plus un matou, à proprement parler, il
en a gardé l’essentiel du caractère : nature et entier.
Il s’est installé dans mon jardin
à la mort de Cachou mon chien puis, petit à petit, s’est rapproché de la maison
jusqu’à dormir au pied de l’escalier. Maigre, purulent, bouffé par la vermine, crevant de faim, il était au bout du rouleau. Difficile
de ne pas le nourrir. Difficile de ne pas le soigner.
J’ai longtemps cherché à qui il
pouvait être. Première difficulté : question couleur je ne parle jamais la
même langue que mon interlocuteur. Quand l’un dit « abricot »
l’autre répond : « orange ? » ; quand l’un dit
« roux » l’autre corrige : « jaune paille ? » A
croire que l’un des deux le fait exprès. Seconde difficulté, les gens qui
abandonnent leurs animaux ne vont pas le crier sur les toits. Troisième
difficulté tout le monde s’en fout éperdument.
Je n’ai donc jamais réussi à retrouver ses propriétaires. Le jour où
j’ai décidé de l’adopter, suite aux menaces de mort d’un abruti du voisinage, je lui ai inventé une veille maîtresse veuve,
sans enfants et grabataire morte sans souffrance d’un arrêt cardiaque. Là, moi
qui complique toujours tout, je suis allé au plus simple. Pour le nouveau nom
de mon chat aussi : je l’ai appelé Pompon. Je dois préciser que je suis
d’une famille qui n’entretient que des
rapports distants avec les chats et ne s’embarrasse pas à leur trouver un nom.
Le vétérinaire qui a castré et
vacciné Pompon l’a classé dans la rubrique : chat tigré européen. Je n’ai
rien dit, mais tigré me semble un peu excessif. Je n’ai rien dit non plus quand
il lui a donné pour date de naissance celle de sa castration… Sans entrer dans
les détails, mais pour vous décrire au mieux Pompon, sachez que sa robe est paille et pain grillé,
agrémentée d’un plastron blanc du plus
bel effet – j’ai lu qu’on parlait de robe à propos du
pelage des chats, fourrure rappelant
sans doute trop de mauvaises pratiques qui ont des parfums de civet – Trois de ses pattes sont gantées du même blanc que le plastron. Sa queue
annelée brisée à son extrémité est
crochue – il a du la coincer dans une porte –. Ses deux oreilles effrangées
portent les marques de violents combats. Et il a de très beaux yeux, des yeux
de chat.
Question tempérament c’est une peluche, du moins avec moi. Autrement
c’est une teigne, surtout avec les autres chats du quartier et le facteur qu’il
ne peut pas voir en peinture. Comme il n’est pas tombé de la dernière pluie, il
ne s’attaque pas directement à cet homme mais se venge en douce en labourant les pneus de son vélo à grands
coups de griffes pendant les petites pauses apéros chez les voisins. Cachou qui avait le sens de
l’humour aurait apprécié.